Derrière ce triple C se cache une course de 100 kilomètres reliant Courmayeur (IT), Champex (CH) et Chamonix (FR) en empruntant le sentier de grande randonnée du Mont Blanc.
Rituels d’avant course
Après un voyage en deux étapes, la fine équipe (PP, Da & Fret) débarque à Chamonix le jeudi 29 août en début de matinée. David finit de s'équiper sur le salon de l'ultra-trail et nous sommes fins prêts pour retirer nos dossards. Deux heures et quelques formalités administratives, nous sommes déclarés aptes à prendre le départ et prenons la direction de l'Italie pour y passer notre dernière nuit... La météo pour les prochaines 24 heures est annoncée au beau fixe, l'aventure commence bien...
Le jour CCC
En quelques années la CCC est passée du statut de « petite soeur de l’UTMB » à celui d’une course unique en son genre et parmi les plus prestigieuses au monde. Le départ au centre de Courmayeur est empreint d’une ambiance comme seuls les Italiens en ont le secret: une alchimie quasi-parfaite entre dolce vita et grand'messe vaticane.
Et oui, le bras tendu, c'est celui de Fret |
Le clocher de l'église dans laquelle nous avons brûlé des cierges la veille sonne 9 heures. La première vague s'élance... Dans 15 minutes, ce sera à notre tour... Pour nous remettre un coup de pression, les baffles crachent l'hymne de la CCC: Across the Moutains de Vangelis, la bande originale de Gladiateur. Tout un programme!
Courmayeur – Tête de la Tronche
10,4 km | + 1435 m | - 43 m | Vendredi 11h46
Avec David et Vincent (un autre binneur) nous sommes installé en cinquième ligne. Tre, due, uno... C'est parti. Avant d'attaquer les premières pentes, le parcours nous offre un tour d'honneur dans les ruelles pavées de Courmayeur. Sur les trottoirs, tous les Valdôtains semblent être de sortie. Le tintement des cloches de vaches résonnent dans toute la ville. Après quelques bornes, le macadam s'efface, le chemin se rétrécit et s'élève vers la Tête de la Tronche (2.548 mètres d'altitude) via l'alpage de la Suche.
Le peloton s’effile au rythme des lacets. Une marée humaine envahit le massif du Mont Blanc. Un coup d'oeil vers le haut en suivant la ligne des coureurs permet d'avoir une idée de la distance restant à gravir, un coup d'oeil vers le bas donne une idée du chemin parcouru... Un hélicoptère immortalise la scène...
Tête de la Tronche – Refuge Bertone
4,3 km | + 25 m | - 584 m | Vendredi 12h26
Après le pointage au sommet, la descente vers Bertone s’amorce doucement. Elle n'est ni raide, ni technique... On déroule, on dépasse, on se fait dépasser... Le « vieux » qui a pris le chemin direct nous attend au refuge. Il a eu le temps de s’enfiler un café légèrement corretto avec de la Grappa, nous devons nous contenter d'un gobelet de Coca. La course ne fait que commencer...
Refuge Bertone – Refuge Bonatti
7,4 km | + 286 m | - 300 m | Vendredi 13h35
Tandis que nous reprenons notre chemin vers Bertone, Chachales refait ses lacets et dévale à toute allure la descente vers Courmayeur. Il nous fixe rendez-vous en fin de journée à Champex. De notre côté, toujours à trois, nous entamons une partie de montagnes russes dans le Val Ferret. Les paysages sont à couper le souffle. David en profite tellement qu'il s'offre la première chute de la journée. Heureusement sans conséquence... Un joli talus nous amène au Refuge Bonatti. Le soleil tape dur, c'est sûr on va revenir avec de belles couleurs!
Refuge Bonatti |
Refuge Bonatti – Arnuva
5,2 km | + 105 m | - 322 m | Vendredi 14h38
Un petite détour par le fond de la vallée ne nous fera pas de tort... Une agréable descente en lacets nous conduit sous le chapiteau surchauffé d'Arnuva. Le peloton s'étire sur cette belle section de liaison.
Arnuva – Grand Col Ferret
4,4 km | + 754m | - 90 m | Vendredi 16h01
A la sortie du ravitaillement, les bénévoles sont clairs: pas la peine de courir. D'entrée de jeu, le Grand Col Ferret affiche des pentes raides jusqu'au refuge Elena. Dans cette première partie Vincent lâche prise et se fait peu à peu distancer. Le chemin continue ensuite en lacets au dessus du refuge avant d'offrir un dernier kilomètre plus roulant. En haut, il ne faut pas traîner, le vent souffle et la température n'est pas bien élevée.
A la sortie d'Arnuva |
Grand Col Ferret – La Fouly
10,1 km | + 198 m | - 1071 m | Vendredi 17h26
Bienvenue en Suisse. La descente n'est pas trop technique et on se laisse gentiment glisser vars la vallée. Les derniers kilomètres sont plus cassants: pierres et racines sont autant d'embûches sur le chemin. Fret marque un peu le pas et voit le ravito arriver avec un certain soulagement. Au bord de la route qui y mène, le public est relativement nombreux et surtout sur-vitaminé. Et dans la foule, surprise, malgré notre légère avance sur le plan de marche et son timing chargé, Chachales a été plus vite que l'éclair.
Bienvenue à La Fouly... Conrad, le speaker local, ressemble à un vieux disque rayé: il répète inlassablement les mêmes mots: Bienvenue à La Fouly. Après 20 minutes de pause et un petit détour par l'infirmerie, nous nous remettons en route, direction Champex.
La Fouly – Champex
14,1 km | + 567 m | - 223 m | Vendredi 20h08
En repartant de La Fouly, Da remonte le moral de Fret et impose l'allure. La machine Colson est relancée! Nous tombons tous les deux sous le charme du petit village de Praz de Fort, ses ruelles, son ravitaillement pirate et son divan...
La route s'élève à nouveau en direction de Champex-Lac et son ravito plus que complet. L'assiette de pâtes tant attendue sert de carotte dans la montée.
Si en terme d'ambiance, La Fouly avait déjà placé la barre bien haute, Champex gagne haut la main! Les derniers mètres de la montée ressemble furieusement à un passage du Tour de France à l'Alpe d'Huez.
Quand nous repartons, il fait noir. La petite aiguille de l'horloge approche de neuf heures et Vincent fait son apparition. Il pourra lui aussi profiter de la bienveillance de Chachales pour recharger ses batteries pour la deuxième partie de la course.
Champex – Bovine
9,1 km | + 691 m | - 358 m | Vendredi 22h51
A la sortie du chapiteau, la nuit est tombée. Nous reprenons notre route sur les bords du lac de Champex avant de filer dans la forêt. Au fil d'un faux plat descendant, les lumières se regroupent et un joli grupetto se forme au pied de Bovine. Et c'est en file indienne et dans un silence religieux que nous gravissons cette montée très rugueuse et technique qui ne laisse quasiment aucun répit.
Bovine – Trient
7 km | + 223 m | - 799m | Samedi 0h26
Après le pointage, il nous reste un bon kilomètre de montée. Nous décidons de commun accord de nous offrir une petite pause Coca. On se laisse tomber dans le talus, on profite de la vue de nuit sur Martigny au rythme des gorgées de la potion magique d'Atlanta. On finit la montée entourée d'un joli troupeau de vache d'Hérens... L'ambiance est surréaliste: la lumière de nos frontales fait briller les yeux de ces imposants mammifères à cloches.Avec leurs cornes pointues, elles semblent vouloir nous empêcher de traverser leur alpage. On fait profil bas, on trottine et on en finit avec la difficile montée de Bovine.
En journée, elles ont l'air bien plus sympathiques... |
S'en suit une longue descente vers Trient en passant par le col de la Forclaz... Une fois de plus, Chachales est fidèle au rendez-vous du ravitaillement bien informé par Vinciane et Mamylou qui veille derrières les écrans en Belgique. Une petite demi-heure plus tard, c'est reparti...
Trient – Catogne
5,5 km | + 826 m | -108 m | Samedi 2h33
C'est parti pour la montée des Tseppes. Pas très technique, mais difficile à négocier avec des forts pourcentages dès le début, cette côte va laisser des traces. Da & Fret s'alternent pour assurer une progression constante. Au milieu de la montée, un homme perché sur un rocher nous gratifie d'une sonnerie au cor de chasse. On l'a vu et entendu tous le deux, ce n'était pas une hallucination... En approchant du sommet, les pourcentages s'affaiblissent. Nous aussi! Nous nous offrons donc une nouvelle pause Coca sous les étoiles...
Catogne – Vallorcine
5,1 km | + 33m | -746 m | Samedi 3h49
Le drapeau suisse flotte fièrement au dessus du pointage au début de la descente, direction la France! La descente semble interminable et devient de plus en plus technique et pentue au fil des hectomètres. En rentrant dans le ravitaillement de Vallorcine, nous nous abandonnons aux bons soins de Chachales qui se charge une dernière fois de veiller sur nous. Une soupe aux vermicelles à gauche, un eau pétillante à droite, un coup de Reflex Spay par ici, un Compeed par là... Fret prend le temps d'expliquer l'art du mazout au préposé Coca du poste de ravitaillement avant de le quitter sur le coup de 4h10.
Vallorcine – Tête aux Vents
7,7 km | + 857 m | - 26 m | Samedi 6h45
La dernière ascension de notre demi-tour du Mont Blanc commence en douceur et puis la longue ligne de frontale semble s'élever vers une altitude inaccessible. Le menu est clair: il va falloir déguster 900 mètre de dénivelé positif en 3,2 kilomètres! Au sommet, après la traversée d'un pierrier, Fret tente, sans succès, de négocier une descente en parapente. Entre temps, le soleil s'est levé et un nuage rose est venu se posé sur le Mont Blanc...
Le soleil se lévève sur la massif du Mont Blanc |
Tête aux Vents – La Flégère
3,5 km | + 46 m | - 297 m | Samedi 7h33
En entrant dans le chapiteau-ravitaillement de la Flégère après une portion très (trop) technique, le sentiment est double. Pour la dernière fois, nous sortons notre gobelet... Pour la dernière fois, nous remercions les bénévoles. Pour la première fois, nous avons la quasi-certitude d'aller au bout... Dans huit kilomètres, la CCC sera de l'histoire ancienne. Mais quelle histoire!
La Flégère – Chamonix
8 km | + 63m | - 1016 m | Samedi 9h09
En quittant le ravito, nous retrouvons un couple de Français ayant vécu à Liège rencontré 80 kilomètres plus tôt. On refait la course... Les 1.000 mètres qui nous séparent de la Place du Triangle de l'Amitié sont malheureusement du dénivelé négatif... Dans la descente, Da doit freiner ses ardeurs pour attendre Fret qui a les quadriceps en feu et ne peut plus suivre. La perspective de boucler la trilogie en moins de 24 heures remets du beurre dans les épinards et les 2 derniers kilomètres sont avalés à toute allure.
Place du Triangle de l'Amitié |
Le public commence à se masser dans les rues de Chamonix, notre escapade touche à sa fin... Les images sont gravées dans nos têtes et nous mourrons d'envie des la partager... Mais d'abord une bonne douche et quelques soins...